« Choquant » – Des chercheurs de Cambridge révèlent que les DAO ne sont (vraiment) pas décentralisées

Une nouvelle étude du Centre for Alternative Finance (CCAF) de l’Université de Cambridge jette un éclairage préoccupant sur la décentralisation des organisations autonomes décentralisées (DAO) qui gèrent de nombreux protocoles de finance décentralisée (DeFi). Depuis plusieurs années, le CCAF mène des recherches sur l’évolution du secteur des cryptomonnaies et sur les pratiques de gouvernance au sein des DAO. Leur dernier rapport remet en question l’idée reçue selon laquelle ces organisations offrent une gouvernance véritablement décentralisée.

Le CCAF a développé un outil d’analyse des protocoles DeFi, baptisé le « DeFi Navigator », afin d’examiner les structures de gouvernance de plusieurs grandes DAO. Leurs résultats révèlent que, contrairement à ce que l’on pourrait attendre de modèles censés favoriser la décentralisation, un nombre croissant de DAO montrent des signes de concentration du pouvoir.

Les DAO : Des inégalités croissantes

Pour mesurer l’inégalité au sein des DAO, le rapport utilise le Gini Coefficient, une méthode statistique souvent utilisée pour analyser les inégalités économiques. Les résultats sont alarmants. Si des protocoles comme MakerDAO (MKR) ou Compound Finance (COMP) ont démarré avec une structure relativement décentralisée, la concentration du pouvoir au fil du temps devient évidente, avec des inégalités bien plus graves que dans des sociétés traditionnellement qualifiées d’inégalitaires.

En effet, les 10 plus grandes DAO observées dans l’étude affichent des coefficients de Gini entre 0,97 et 0,99, des chiffres qui frôlent les extrêmes. Pour mettre ces chiffres en perspective, l’Afrique du Sud, souvent citée comme le pays le plus inégalitaire au monde, a un coefficient de Gini de 0,63.

Le pouvoir concentré entre les mains de quelques acteurs

Christopher Jack, responsable de l’étude, a exprimé sa surprise face à ces résultats, soulignant que même si ces résultats étaient choquants, ils ne sont pas surprenants pour les acteurs de la DeFi. En théorie, les DAO sont censées être des alternatives plus justes et plus transparentes aux modèles de gouvernance traditionnels. Mais dans la réalité, ce modèle est souvent loin d’être égalitaire. Le pouvoir de décision se trouve concentré entre les mains d’un petit groupe d’acteurs.

L’explication de cette concentration de pouvoir réside dans les mécanismes de gouvernance des DAO. La participation au processus de décision repose principalement sur la détention de tokens. Ces tokens, qui ont une valeur marchande, se retrouvent principalement entre les mains des plus riches et des investisseurs institutionnels, ce qui donne un pouvoir disproportionné à une minorité d’acteurs. Le rapport met en évidence des exemples concrets, comme celui d’Aave, où les 121 plus grandes adresses détiennent 73 % des tokens. De même, chez Compound Finance, 104 adresses détiennent 85 % de l’approvisionnement total. Ce phénomène se retrouve dans de nombreux autres protocoles étudiés.

Les DAO : Centralisation déguisée ?

Ainsi, les DAO ne sont pas réellement décentralisées, ni démocratiques, au sens strict du terme. Ces organisations, malgré leur nom, semblent plutôt suivre un modèle centralisé, où une poignée d’acteurs exercent une influence majeure sur les décisions. Cette concentration du pouvoir peut, paradoxalement, être bénéfique pour les développeurs des protocoles, car elle leur permet de garder le contrôle sur leur fonctionnement et de garantir une certaine stabilité à leurs projets.

L’ironie réside dans le fait que la DeFi, qui a séduit de nombreuses personnes en raison de son opposition aux modèles centralisés et rigides des institutions traditionnelles, adopte finalement une structure similaire à celle des entreprises classiques. Le modèle de gouvernance de nombreuses DAO semble ainsi, en pratique, très proche des structures hiérarchiques des systèmes traditionnels, malgré l’idéologie décentralisée qu’elles véhiculent.

Une décentralisation encore loin d’être réalisée

La DeFi a l’ambition de révolutionner la finance en s’affranchissant des institutions centralisées, mais le rapport du CCAF montre que, sur le plan de la gouvernance, ces protocoles sont souvent encore très loin de réaliser l’idéal de décentralisation. Les DAO qui se veulent décentralisées sont donc confrontées à une réalité : en pratique, elles se retrouvent entre les mains de quelques acteurs dominants. Pour que la DeFi soit véritablement décentralisée, une évolution des mécanismes de gouvernance et de la distribution des tokens sera nécessaire.

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